En 2010, Donatien Aubert s’est intéressé aux récits de prospective écrits par des futurologues contemporains. Ils l’ont amené à concevoir des objets aux propriétés formelles particulières, oscillant entre biomorphisme et lustre industriel. Ils invitent le regardeur à penser la précarité grandissante de la biosphère et l'étrangeté des trajectoires de développement qu’ouvrent les secteurs du génie génétique et des nanotechnologies.

 

Dans un contexte mondial tendu par la crise climatique, l’écologie permet de saisir la chaîne de solidarité qui nous lie au reste du vivant. L’attrait renouvelé pour les biens communs ainsi que l’affirmation de l’utilité publique de la valeur patrimoniale des ressources naturelles permettent d’espérer une transition plus douce pour nos modes de vie.

 

Alors que ce projet humaniste vise à équilibrer nos habitudes aux besoins du reste de la biosphère (pour garantir sa pérennité autant que celles de nos sociétés), la perspective transhumaniste prévoit au contraire une artificialisation grandissante de l’environnement et du vivant. Les séries d’objets produits par Donatien Aubert en 2010 ont pour but d'interroger les transformations qu’annoncent des technologues rattachés à ce mouvement. Ces derniers opèrent la promotion des technologies dites « convergentes » (ou NBIC), réunissant autour de l’échelle du nanomètre, les biotechnologies, les sciences de l’information et les sciences cognitives.

 

Kim Eric Drexler, qui a popularisé l’expression « nanotechnologies », a écrit en 1986 un livre intitulé Engines of Creation, dans lequel il estimait possible la création d'assembleurs moléculaires capables de répliquer les processus de l’embryogenèse pour la production industrielle de biens de consommation : il expliquait ainsi dans un style aride, totalement épuré, comment des nanorobots pourraient, selon une disposition prévue par un programme informatique, élever des bâtiments ou des moteurs, entièrement vascularisés, de la même manière que des cellules à l’intérieur d’un organisme fabriquent des protéines…

 

Manufacture du vivant est une série de trois sculptures réalisées par CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur). Chaque pièce a été fraisée dans des blocs de résine, en plusieurs morceaux qui ont ensuite été apprêtés, assemblés et finalement revêtus d'une couche de peinture métallique. Ces objets de nature spéculative, sont conçus comme des créations potentielles du génie génétique et des nanotechnologies. Leur topologie est inspirée de structures provenant du vivant mais l’aspect de leur surface, par son contraste, rappelle des plastiques et des métaux, renvoyant au monde industriel.

 

Les sculptures représentent ce qui pourrait advenir du vivant sous l'égide des technologies NBIC. Un vivant dénaturé, accommodé aux impératifs de consommation d'une société hyperaseptisée.

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