Présentation générale de l'installation

 

La Torre dell’anima est une installation transmédia issue d’une collaboration art-science entre l’artiste et chercheur Donatien Aubert et le chirurgien maxillofacial Roman Hossein Khonsari, officiant à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière et à l'Hôpital Necker Enfants-Malades. Il est né d’un intérêt mutuel de l’artiste et du médecin pour leurs champs d’expertise respectifs et parce qu’ils mobilisent pour leur travail des procédures logicielles comparables : la visualisation et la modélisation 3D. Leur maîtrise est impérative pour Roman Hossein Khonsari, tant pour ausculter les tomographies X, afin d’établir la nature des fractures subies par ses patients, que pour stabiliser un diagnostic préimplantatoire, ou enfin si nécessaire, pour fabriquer des prothèses sur mesure par conception et fabrication assistées par ordinateur. Donatien Aubert les mobilise communément dans ses travaux plastiques, pour usiner ou imprimer en 3D des objets, sinon pour la conception d’environnements numériques interactifs.

 

L’installation a été créée à partir de tomographies anonymisées extraites de la base de données de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris. Les tomographies ont été sélectionnées pour les causes des traumatismes qu’elles exposent et permettent d’identifier : attaque par balle, accident de la voie publique, défenestration, chute en état d’ivresse, cancer lié à des formes de surconsommation, et qui prises ensemble traduisent la violence de certains phénomènes sociaux contemporains. Le projet ne vise pas la création de vanités. Contrairement à ces représentations allégoriques des XVIe et XVIIe siècles, le but n’est pas ici de créer des memento mori, des rappels moraux de l’inéluctabilité de la mort. Tous les patients ont survécu. L’objectif de La Torre dell’anima est autre, plus humble et incisif à la fois : montrer comment le corps est soigné à l’époque contemporaine et jusque quel seuil il peut être modifié à cette fin. Enfin, l’installation confronte l’enregistrement topographique des fractures des patients à la mémoire qu’ils sont susceptibles d’avoir développée des événements ayant conduit à leur traumatisme, en reconstituant leurs circonstances.

Programme immersif

 

L’installation comporte un pendant en réalité virtuelle. En analogie avec le jeu d’échelle proposé par l’enchâssement des souvenirs dans les crânes imprimés en 3D, la simulation numérique présente les tomographies hissées dans des dimensions monumentales. Elle est accessible depuis un poste de réalité virtuelle compris dans l’installation. Dans cette simulation, les scènes sont cette fois-ci texturées et présentées à l’échelle de l’immersant ; les voûtes crâniennes prennent des allures de cavernes. À la faveur du développement du domaine des interactions homme-machine, plusieurs ingénieurs informaticiens ont consacré la réalité virtuelle comme le moyen par lequel engager une modernisation des arts de la mémoire (voir les travaux de Nicholas Negroponte et de Jaron Lanier). Ces méthodes, qui avaient été développées dans l’Antiquité (sous le nom de « mémoire artificielle ») pour faciliter la mutualisation des textes dans les communautés de lecteurs, leur accès étant limité dans le temps en raison de leur rareté, sont réactualisés aujourd’hui dans les sciences de l’information et de la communication en ce qu’elles facilitent l’ordonnancement de grandes quantités de données. L’installation est l’occasion de conférer à nouveau un ancrage plastique solide à ces protocoles, qui puisent leur origine dans l’histoire de l’art. Un écran latéral diffuse ce que voit l’immersant à travers le casque et offre la possibilité aux spectateurs d’être les témoins à leur tour de ce qu’ont dû vivre les patients avant eux.

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